La
Lancia Delta
La Lancia Delta naît en septembre 1979. Dès
1980, elle est élue "Voiture de l'Année" par un jury de
journalistes spécialisés. Caractérisé par une carrosserie
moderne et très originale ainsi que par des moteurs très
performants, ce modèle marque un véritable saut de
génération en termes de conception globale de la voiture
et de contenus techniques, esthétiques et qualitatifs. Son
succès commercial est immédiat. Dans la Delta, le public
retrouve en effet les finitions soignées et la qualité des
matériaux typiques des grandes voitures Lancia.
En 1974, Ugo Gobatto avait été remplacé à la tête de la
marque Lancia par Giovanni Sguazzini, sous la houlette de
Umberto Agnelli, maintenant que Lancia faisait partie du
groupe Fiat depuis 1969. Une stratégie commerciale fut
fixée pour les cinq années à venir dont résulterait trois
nouveaux modèles : une à carrosserie "deux volumes", la
Delta, et la même en "trois volumes", la Prisma, et enfin
celle qui devrait succéder à la Beta berline, la Thema. La
présentation de ces modèles était prévue pour 1979, 1982
et 1984, programmes fidèlement suivis.
Le projet de la Y5, le nom de code choisi pour la future
Delta, fut lancé en 1974. Elle était destinée à rompre sur
plusieurs points avec la tradition de la marque. Pour
commencer, son étude serait basée sur une plate-forme
existante, celle de la Fiat Ritmo, avec le même groupe
motopropulseur. Ensuite, elle aurait cinq portes.
On pouvait craindre que la nouvelle Lancia ne soit qu'une
Fiat avec une étiquette différente, mais ce ne fut pas le
cas, grâce à la liberté relative accordée à notre
constructeur et à son originalité créatrice. Camuffo eut
licence de modifier la plate-forme de la Ritmo à un tel
point qu'en fin de compte la Delta se trouva être
essentiellement une Lancia. Sa suspension arrière
notamment était héritée de la Beta, sans point commun avec
celle de la Ritmo. La suspension avant était à bras
transversaux avec une barre antiroulis. La plate-forme fut
modifiée en conséquence, avec un empattement de 2,475 m
(au lieu de 2,45 m pour la Ritmo).
Pour le moteur, le client aurait le choix entre deux
versions, de 1 300 ou 1 500 cm', du quatre cylindres à
simple ACT de la Fiat 128, modifié par Lancia et disposé
en travers pour entraîner les roues avant. Le moteur de 1
301 cm3 (86,4 x 55,5 mm) développait 75 ch à 5 800 tr/mn,
celui de 1 499 cm5 (86,4 x 63,9 mm) fournissait 85 ch au
même régime. Ils pouvaient être accouplés à une boîte de
vitesses à quatre ou cinq rapports, ou bien à une
transmission automatique à trois rapports (empruntée à la
Beta). Les freins assistés étaient à disque à l'avant et à
tambour à l'arrière.
Le tout était habillé par Giugiaro dans un style élégant
et fonctionnel. Le styliste avait déjà fait abondamment
parler de lui avec ses créations pour Volkswagen,
culminant avec la Golf, en 1976. Son talent avait été
reconnu par Lancia qui s'était adressé à lui dès avril
1975 pour dessiner la carrosserie de la Delta, en
concurrence avec le styliste attitré de l'usine, Piero
Castagnero. Giugiaro l'emporta sans discussion possible.
Giorgietto
Giugiaro crée une forme trapézoïdale aux contours très
anguleux : un style classique qui l'emportera sur tous les
autres projets contemporains. Parmi les autres
caractéristiques, citons les boucliers avant et arrière,
qui intègrent les pare-chocs ; ils sont réalisés en résine
polyester, renforcée de fibre de verre.
L'architecture mécanique comporte une traction avant avec
moteur transversal, des suspensions à quatre roues
indépendantes, un système de freinage à deux circuits
croisés et une direction à crémaillère. Deux moteurs sont
disponibles lors du lancement du nouveau modèle : 1.3 de
75 ch et 1.5 de 85 ch. Ils sont dotés tous les deux d'une
distribution par arbre à cames en tête, commandé par une
courroie crantée, ainsi que d'une culasse en alliage
léger.
La Delta est une voiture élégante et compacte, qui mesure
moins de 4 m de longueur. Nous sommes en 1979 et la Delta
propose des équipements dignes d'une voiture de catégorie
supérieure (par exemple, les lève-vitres à commande
électrique).
Démarrée dans l'usine turinoise du Lingotto, la production
de la Delta est ensuite transférée dans le site de
Chivasso, qui possède l'un des ateliers de peinture les
plus avancés du monde, un système de contrôle électronique
de l'usinage de la coque et une installation automatique
qui assure une qualité constante des sous-groupes.
C'est de cet établissement que sortent les versions
"personnalisées" LX et, en 1982, la Delta GT avec moteur
1.6 de 105 ch. Equipée de quatre freins à disque assistés
par un servofrein, cette voiture atteint une vitesse de
pointe de 180 km/h.
L'année 1983 marque les débuts de la Delta HF Turbo,
première voiture Lancia de série suralimentée par un
turbocompresseur. Le moteur est toujours celui de 1585 cm3
avec carburateur, mais il développe désormais une
puissance de 130 ch et permet d'atteindre une vitesse de
pointe de 190 km/h.
Turbo or not Turbo ?
Delta : ce nom a été immortalisé dans le monde automobile
grâce aux Delta HF Integrale et à la magnifique épopée de
la marque en championnat du monde des rallyes qui, entre
1987 et 1992, décrocha 6 titres de champion du monde des
constructeurs, record encore inégalé aujourd'hui. Mais les
Delta eurent un avant 1987 et un avant HF Integrale qui
malheureusement reste oublié ou négligé de la mémoire du
public, ce qui n'enlève rien à leurs prestations
sportives.
L'intégration de Lancia au groupe Fiat motiva leurs
ingénieurs respectifs à travailler plus ardemment. Une
dynamique de groupe en résulta dont le seul objectif fut
d'innover. Cette petite Lancia, très compacte et bien
conçue, disposait d'atouts importants dans son jeu. Un
moteur agréable (disponible en 1300cm3 boîte 4 ou 5
vitesses de 75ch et en 1500cm3 de 85ch), une suspension
moderne (McPherson AV et AR), un bel équilibre routier et
une ligne pensée par Giugiaro, telles étaient ses qualités
principales avec, en prime, un intérieur soigné à
l'italienne.
La Delta s'est vue adjoindre, trois ans plus tard, une
troisième version, la 1600 GT destinée à élargir la gamme
vers le haut (le 1500 n'étant désormais proposé qu'avec la
transmission automatique). Elle entrait en plein dans la
catégorie des « petites 105 chevaux ». Ce créneau était
alors en pleine expansion en 1983 ; les R5 Turbo, Golf GTI,
Escort XR3i, Alfasud TI ou Ritmo 105 TC étaient alors
reines de la catégorie. La ligne originale et anguleuse de
la Delta allait alors se révéler pénalisante par rapport à
ses concurrentes.
En effet, deux paramètres importants avaient été négligés
lors de la conception de l'auto : le poids et le Cx. La
Delta, dans sa version « classique », accusait un surpoids
d'une centaine de kilos par rapport aux Alfasud ou aux
Golf. Du coup, la GT a subi un régime amaigrissant
d'environ 40 kg, mais elle restait encore l'une des plus
lourdes de sa catégorie. Quant au Cx, le becquet AR qui
équipe la version française, dû à l'initiative du
distributeur de l'époque André Chardonnet, l'a fait chuter
de 0 ,40 à 0,38, mais cela ne suffit pas à en faire un
modèle d'aérodynamisme.
En parallèle, Lancia préparait une version encore plus
sportive que la GT, une version d'exception. Non content
de commercialiser le Volumex sur ses Beta Trevi, HPE et
Coupè, Lancia présenta une Delta 1600 suralimentée... par
un Turbo !
A la vue des succès de la marque avec cette forme de
suralimentation en championnat du monde des rallyes, tout
le monde pensait que Lancia s'y cantonnerait. C'était mal
connaître les ingénieurs de Turin qui en parallèle
travaillaient déjà sur le turbocompresseur. En voici le
résultat : la Delta HF Turbo !
Mais ceci n'était pas une surprise puisqu'en 1982, Lancia
avait déjà présenté au Salon de Turin une version 4x4
Turbo de la Delta (préfigurant la fabuleuse carrière
sportive que vous lui connaissez...).
Ouvrons, si vous le souhaitez une courte parenthèse : à
cette époque, Lancia développait aussi une auto couplant
Turbo et Volumex (la solution idéale en quelque sorte),
appelée plus tard Lancia Delta S4. Le 1585cm3 de la Delta
atteint sur la version HF 130ch grâce à ce Turbo Garrett
T3 contre 105ch dans sa version atmosphérique (la GT).
Ce moteur est sensiblement le même que sur la Ritmo 105
TC, à la simple différence qu'il est accommodé à la sauce
Lancia. La puissance de ce double ACT Lampredi est donc la
même que celle de la 105TC, mais elle est obtenue à 300
tours de moins : 5 800 t/min pour la Delta contre 6 100
pour la Ritmo. Toute la différence vient des réglages
spécifiques à Fiat et à Lancia, cette dernière ayant opté
pour un couple supérieur de 0,2 mkg (13,8 contre 13,5),
mais surtout obtenu à 700 t/min de moins que la Ritmo (3
300 contre 4 000). Sur la version suralimentée du 1585cm3,
le Garrett T3 est équipé d'un échangeur air/air qui
abaisse de 50°C l'air sortant du Turbo, ce qui a permis de
porter le taux de compression à 8, un chiffre important
pour un moteur suralimenté. Du même coup, le couple maxi
grimpe à 19,5 mkg à 3 700 t/min.
La Delta GT se voit doter d'une boîte Lancia, équipée de
synchros de licence Porsche. Son étagement est un modèle
du genre et la cinquième permet d'atteindre la vitesse
maxi à 6 500 t/min (186 km/h). Mais lors de la conception
de la HF, un problème s'est posé aux techniciens Lancia :
quelle boîte allait pouvoir passer les 19,5 mkg de couple
? Lancia fit donc appel à un spécialiste en la matière :
ZF. Cette boîte nécessitait un important rodage à cause de
sa dureté ; mais dans le réseau Chardonnet, on lui faisait
subir un léger traitement, une sorte de désentartrage qui
en facilitait le maniement (c'était simple, mais cette
attention en dit long sur le soin apporté par le réseau
André Chardonnet à la préparation de ses voitures).
Un tour de clef suffit à ouvrir les 4 portes et s'offre
alors à vous un mini salon signé Zegna, styliste italien
connu à l'époque pour son modernisme. A travers le tissu
qu'il a dessiné pour la Delta, on mesure le soin apporté
par Lancia à la décoration intérieure de ses voitures.
Suprême raffinement dans la HF : les Recaro (en option
jusqu'en 1989).
Trois ans plus tard, en 1986, la gamme du modèle est
réactualisée, grâce au lancement de la Delta GT à
injection électronique de 108 ch, de la Turbodiesel 2.0 de
80 ch, de la HF Turbo à injection (140 ch) et de la HF
4WD. Cette dernière, avec la Prisma 4WD, marque l'entrée
de Lancia dans le segment des berlines Tourisme à quatre
roues motrices. Elle est équipée d'un moteur 2 litres de
165 ch (vitesse de pointe de 208 km/h), dérivé de celui de
la Thema, ainsi que d'une mécanique avant-gardiste. Le
système de traction se compose d'un différentiel avant
libre, d'un différentiel central du type épicycloïdal qui
répartit le couple de manière asymétrique (56% à l'avant
et 44% à l'arrière), d'un joint viscocoupleur Ferguson
appliqué au différentiel central et d'un différentiel
arrière Torsen (contraction de l'expression en anglaise
"torque sensing", qui signifie "sensible au couple"),
dispositif "intelligent" qui permet de répartir le couple
entre les deux roues en fonction du degré d'adhérence
disponible, sans jamais bloquer complètement les
demi-arbres. Ainsi, la Delta HF 4WD peut transférer
correctement au sol le couple développé par son moteur.
D'où une grande motricité sur les chaussées qui présentent
une faible adhérence, une stabilité de cap et une tenue de
route irréprochables à grandes vitesses. Au cours des
années suivantes, la Delta à traction intégrale (voir
suite de l’article sur la
Lancia Delta HF Integrale et sur la Lancia Delta S4)
fait l'objet d'un ensemble d'améliorations techniques et
esthétiques, dictées surtout par des exigences sportives.
Entre 1987 et 1992, la Delta remporte six titres du monde
Rallye. Entre 1979 et 1994, la Delta est produite à
480.000 unités.
Caractéristiques :
- Lancia Delta
1100
Moteur : 831b8000, 1ACT, 1116cc
Puissance : 64cv à 6000 trs/min
Couple : 8,6 mkg à 3000 trs/min
L-l-h : 3890mm - 1620 - 1380
Poids : 935kg
- Lancia Delta
1300
Moteur : 831AB000, 1ACT, 1301cc ou 1299cc
Puissance : 75cv à 5800 trs/min jusqu'en 1983, 78cv à 5800
trs/min après 1983
Couple : 10,7 mkg à 3000 trs/min
Carburateur : Weber 32 DAT77
L-l-h : 3890mm - 1620 - 1380
Poids : 935kg
- Lancia Delta
1500
Moteur : 831A1000, 1ACT, 1498cc
Puissance : 85cv à 5800 trs/min jusqu'en 1983, 80cv à 5600
trs/min après 1983 (versions automatiques)
Couple : 12,5 mkg à 3500 trs/min jusqu'en 1986, 12,5 mkg à
3200 trs/min après 1986
Carburateur : Weber 32 DAT8 jusqu'en 1986, Weber 3234
TLDA2 après 1986
L-l-h : 3890mm - 1620 - 1380
Poids : 945kg
- Lancia Delta
1600 GT
Moteur : 831A4000, 2ACT, 1585cc
Puissance : 105cv à 5800 trs/min jusqu'en 1983, 100cv à
5900 trs/min après 1983
Couple : 12,5 mkg à 4250 trs/min
Carburateur : Weber 34 DAT16
L-l-h : 3890mm - 1620 - 1380
Poids : 975kg
- Lancia Delta
1600 GTie
Moteur : 831B7000, 2ACT, 1585cc
Puissance : 108cv à 5900 trs/min, 90cv à 5900 trs/min pour
les versions catalysées
Couple : 13,8 mkg à 3500 trs/min
Injection : Weber IAW électronique
L-l-h : 3890mm - 1620 - 1380
Poids : 995kg
- Lancia Delta
1600 HF Turbo & HF Turbo ie
Moteur : 831B3000, 2ACT, 1585cc
Puissance : 130cv à 5600 trs/min jusqu'en 1986, 140cv à
5500 trs/min après 1986, 132cv à 5500 trs/min pour les
versions catalysées
Couple : 19,5 mkg à 3500 trs/min jusqu'en 1986, 21 mkg à
3200 trs/min après 1986, 20 mkg à 2750 trs/min pour les
versions catalysées.
Carburateur (jusqu'en 1986) : Weber 32 DAT18 avec
turbocompresseur Garrett T3
Injection (après 1986) : Weber IAW électronique avec
turbocompresseur T3
L-l-h : 3890mm - 1620 - 1380
Poids : 1000kg
- Lancia Delta
turbo ds
Moteur : 831D1000, 1ACT, 1929cc
Puissance : 80cv à 4200 trs/min
Couple : 17,5 mkg à 2400 trs/min
Injection : Bosch VE à turbocompresseur KKK
L-l-h : 3890mm - 1620 - 1380
Poids : 1045kg
Lancia Delta HF Integrale : le mythe
Au salon de Turin de 1986, Lancia présenta pas moins de
3 nouveautés sur la Delta. Le moteur 1600cc recevait une
injection électronique sur ses versions atmosphériques
et turbocompressées, la gamme était à présent dotée
d’une version turbo diesel reprenant la finition de la
HF Turbo. Mais les modèles les plus intéressants étaient
les Prisma et Delta à quatre roues motrices, baptisés
4WD par l'usine (4 wheel drive).
Les deux versions étaient de caractère bien différent.
La Prisma 4WD avait les quatre roues engagées en
permanence avec un différentiel arrière verrouillable.
Son moteur de 2 litres à injection développant 115 ch
provenait de la Trevi. Ce modèle, qui visait l'amateur
de sport d'hiver, ne répondit pas aux espoirs de Lancia.
La Delta HF 4WD avait un tempérament plus sportif et
obtint un bien meilleur succès. Sa transmission était
plus évoluée que celle de sa sœur, avec quatre roues
engagées en permanence, un répartiteur de couple (56 %
aux roues avant et 44 % aux roues arrière), un
différentiel central Ferguson, et un différentiel
arrière Torsen, tous deux à glissement limité. Le tout
était entraîné par le merveilleux moteur de 2 litres à
turbocompresseur développant 165 cv déjà rendu célèbre
par la Thema Turbo. Malgré son poids (porté à 1190 kg
par le moteur. la transmission et aussi les freins, avec
des disques plus grands), la Delta HF 4WD accélérait de
0 à 100 km/h en 7,8 s et approchait 210 km/h en pointe.
Du coup, la Delta trouva une nouvelle jeunesse, au point
qu'il fallut reculer plusieurs fois la présentation du
modèle qui devait lui succéder. Ce succès, la Delta le
devait à ses versions sportives (1600 GT et GTie, HF
Turbo et HF 4WD), mais aussi à une brillante carrière en
rallye. Après la suppression du Groupe B, Lancia reporta
ses efforts sur la 4WD pour courir en Groupe A. La
carrière commerciale de la Delta HF 4WD parut d'abord
incertaine. Le modèle avait été construit à 2 300
exemplaires en 1986, quand la FISA supprima le Groupe B.
Lancia décida de remplacer la S4 par la HF 4WD, mais
celle-ci pour être homologuée en Groupe A devait être
construite à 5 000 exemplaires. Il fallut donc fabriquer
en toute hâte 2 700 Delta HF 4WD afin d'homologuer le
modèle pour la saison 1987. Dès que la HF 4WD eut fait
ses preuves en rallye, les ventes s'accélérèrent et il
fallut en construire 2 500 autres pour satisfaire la
demande.
D'autres versions plus puissantes suivirent, toujours à
fin d'homologation. Cela explique pourquoi la Delta
Intégrale arriva quinze mois après la 4WD. Le moteur
comptait 20 cv de plus, les ailes élargies donnaient à
la voiture une allure plus agressive, mais permettaient
surtout de monter des jantes et des pneumatiques de plus
gros module en compétition. La Lancia Delta HF Intégrale
fut construite d'abord à 5 000 exemplaires, conformément
au règlement, mais, cette fois encore, il fallut
fabriquer une série supplémentaire de 2 500 voitures
pour satisfaire toutes les demandes.
Au Salon de Genève de 1989 fut présentée la nouvelle
Lancia Delta HF Integrale 16v. L'Integrale fut dotée du
moteur à seize soupapes de la nouvelle Thema Turbo (afin
de combler les pertes de puissance dues au changement de
réglementation limitant les volumes des
turbocompresseurs), avec une puissance portée à 200 ch.
Ce moteur étant plus haut que le précédent, le capot fut
pourvu d'un renflement qui donnait à l'Intégrale 16v une
physionomie positivement brutale. Afin de donner à la
tenue de route un caractère plus survireur, le couple
était réparti à 47 % pour les roues avant et à 53% pour
les roues arrière. La voiture accusait désormais le
poids confortable de 1 240 kg.
C'est au Salon de Francfort de 1991 que la Delta trouva
sa forme ultime avec la présentation de la version dite
"Evoluzione" de l'Intégrale 16V. Les voies avant et
arrière étaient élargies avec des jantes de 7,5 pouces
de large et 15 pouces de diamètre. Les arches de roues
étaient élargies en conséquence. La puissance passait à
210 ch. Les disques de freins étaient plus petits mais
plus épais. Le poids progressait encore et approchait
maintenant les 1 300 kg !
La carrosserie recevait aussi quelques retouches, comme
un déflecteur aérodynamique ajustable à deux positions
sur le pavillon (dans un souci d’homologation pour la
compétition), une nouvelle calandre avec des phares de
diamètre inférieur, les ouies d’aération toujours plus
nombreuses pour le moteur, les bas de caisse sont de la
même couleur que la carrosserie, les bandeaux noirs sur
les pare-chocs et sur le hayon arrière disparaissent,
etc... L’instrumentation est également revue. Le modèle
devait être construit à 5 000 exemplaires entre
septembre 1991 et décembre 1993, en y ajoutant encore 2
000 autres équipés de l'ancien moteur huit soupapes en
version catalysées. Enfin, en juin 1993 sera dévoilée l’Evozulione
2, qui se démarque de la version précédente par quelques
soucis esthétiques (sièges baquets type course, jantes
16 pouces, volant Momo, etc…) et une puissance moteur
qui passe à 215 cv pour combler la conversion des
moteurs aux catalyseurs.
Les Evoluzione sont principalement connues pour leur
multitude de séries limitées, basées sur les Evo 1 ou 2
selon les versions. On y retrouve les séries
commémoratives aux victoires en Championnat du Monde des
Rallyes appelées Martini 5 (400ex) ou Martini 6 (310
ex), les Club Italia (15 ex), les WRC Verde York (série
1 et 2, 520 ex), les Giallo Ferrari (400 ex)et Ginestra
(220 ex), les Club HF (25 ex)et Lancia Club (45 ex), les
Bianco Perlato (400 ex), les Blue Lagos (200 ex), les
Dealer’s Collection (177 ex) ou Edizione Finale (250
ex). Au total, Lancia produira près de 45 000 Lancia
Delta HF 4WD – Integrale – Evoluzione, grâce au
fantastique palmarès de l’auto (encore inégalé à ce
jour).
La Lancia Delta sera 6 fois Championne du Monde des
Constructeurs (1987, 1988, 1989, 1990, 1991 et 1992)
dont 4 titres pilotes (Kankkunen en 1987 et 1991,
Biasion en 1988 et 1989) et aura remporté 46 rallyes de
championnat du monde sur 65 participations de l’équipe
Lancia/Martini Racing. Ces 46 victoires portent le
nombre des victoires Lancia en championnat du monde des
rallyes à 77 de 1974 à 1992. La saison 92 se courra
d’ailleurs sans le soutien officiel de Lancia puisque
par le biais d’un communiqué de presse, Lancia annoncé
le 18 décembre 1991 son retrait de toutes compétitions :
« Lancia, unique constructeur au monde ayant remporté 10
titres mondiaux rallye, après le cinquième succès
consécutif de la Delta et le titre mondial pilotes,
décide d’interrompre son activité sportive. Les
ressources humaines de premier ordre qui ont travaillé
jusqu’à présent aux programmes sportifs seront assignées
au développement de plans technologiques avancés qui
trouveront leur application dans la production de série.
Les 11 années de succès ont démontré l’excellente
collaboration entre Lancia et Martini Racing. Martini
Racing a décidé de continuer l’activité sportive. C’est
Pourquoi Lancia entend transférer à cette écurie les
voitures et les pilotes Juha Kankkunen et Didier Auriol.
L’assistance pendant les compétitions du prochain
championnat mondial rallye sera confiée à l’organisation
du Jolly Club. Dans quelques jours, Martini Racing
communiquera son organisation et le programme pour la
saison sportive 1992. Bien que ne participant pas avec
son équipe officielle, Lancia, pour favoriser
l’introduction et l’affirmation de jeunes pilotes,
cédera des voitures aux écuries Jolly Club, A.R.T., et
Grifone qui disputeront les différents championnat avec
leurs organisations. »
Caractéristiques :
- Lancia Delta
HF 4WD
Moteur : 831B5000, 2ACT, 1995cc
Puissance : 165cv à 5250 trs/min
Couple : 29 mkg à 2750 trs/min
Injection : Weber IAW à turbocompresseur Garrett T3
L-l-h : 3890mm - 1620 - 1380
Poids : 1190kg
- Lancia Delta
HF Integrale
Moteur : 831C5000, 2ACT, 1995cc
Puissance : 185cv à 5300 trs/min
Couple : 31 mkg à 3500 trs/min
Injection : Weber IAW à turbocompresseur Garrett T3
L-l-h : 3900mm - 1700 - 1380
Poids : 1200kg
- Lancia Delta
HF Integrale 16v
Moteur : 831D5000, 2ACT, 1995cc
Puissance : 200cv à 5500 trs/min
Couple : 31 mkg à 3000 trs/min
Injection : Weber IAW à turbocompresseur Garrett T3
L-l-h : 3900mm - 1700 - 1380
Poids : 1300kg
- Lancia Delta
HF Integrale Kat
Moteur : 831C5046, 2ACT, 1995cc
Puissance : 180cv à 5250 trs/min
Couple : 30 mkg à 2750 trs/min
Injection : Weber IAW à turbocompresseur Garrett T3
L-l-h : 3900mm - 1700 - 1380
Poids : 1250kg
- Lancia Delta
HF Integrale Evoluzione
Moteur : 831E5000, 2ACT, 1995cc
Puissance : 210cv à 5750 trs/min
Couple : 31 mkg à 3500 trs/min
Injection : Weber IAW à turbocompresseur Garrett T3
L-l-h : 3900mm - 1770 - 1365
Poids : 1300kg
- Lancia Delta
HF Integrale Evoluzione Kat
Moteur : 831C5046, 2ACT, 1995cc
Puissance : 180cv à 5250 trs/min
Couple : 30 mkg à 2750 trs/min
Injection : Weber IAW à turbocompresseur Garrett T3
L-l-h : 3900mm - 1770 - 1365
Poids : 1300kg
- Lancia Delta
HF Integrale Evoluzione 2
Moteur : 831E5046, 2ACT, 1995cc
Puissance : 215cv à 5750 trs/min
Couple : 32 mkg à 2500 trs/min
Injection : Weber IAW à turbocompresseur Garrett T3
L-l-h : 3900mm - 1770 - 1365
Poids : 1340kg
La
Lancia Delta S4
La Lancia Delta S4 n'a pas accompli que deux saisons
complètes en compétition, mais a produit par son contenu
technologique le même impact sur le sport automobile que
la Stratos douze ans plus tôt.
Quand l'étude fut lancée, la future S4, n'était pas
encore une Lancia. La Delta était le Tipo 831, alors que
celle qui serait la S4 était la 038 ARO, ce qui
signifiait dans le groupe Fiat qu'il s'agissait d'un
projet Abarth. La 037 qui l'avait précédée était pour
Fiat le tipo 151 ARO.
Ce n'était pas la première fois que Lancia créait une
voiture de rallye Groupe B. Il y avait déjà eu la
Stratos, puis la 037. La création d'un nouveau modèle à
quatre roues motrices dotée des plus récents
perfectionnements ne devrait pas poser de problèmes
inattendus. Cela n'empêcha pas l'ingénieur Aurelio
Lampredi nit Claudio Lombardi, le dynamique directeur
technique de Lancia-Abarth, d'avancer quelques
brillantes innovations.
La S4 suivait l'exemple de la Peugeot 205 T16, avec son
moteur disposé longitudinalement en position centrale,
et sa carrosserie qui rappelait celle du modèle de
série. Les quatre roues motrices se chargeaient de
transmettre à la route l'énorme puissance du moteur
seize soupapes de 1,8 litre à turbocompresseur.
Les premières esquisses de la voiture furent tracées en
janvier 1983, alors que la 037 en était encore à
attendre ses premiers succès. En avril 1983, les données
principales se trouvaient arrêtées, et le projet du type
038, alias Delta S4, put être lancé. Vingt mois plus
tard, Lancia révélait les premiers détails sur sa
nouvelle force de frappe en rallye, qui constituerait un
nouveau sommet technologique pour ce type d'épreuve...
jusqu'à amener la suppression du Groupe B qui avait
suscité sa création.
La 038 était construite essentiellement à partir d'une
structure en tubes d'acier installée sur deux robustes
longerons. L'habitacle était constitué par des panneaux
en résine et fibre de verre, les parties avant et
arrière de la carrosserie basculant tout d'une pièce
pour dégager la mécanique. Un effort avait été fait pour
rappeler l'aspect de la Delta, de façon à justifier son
appellation. Les suspensions avant et arrière étaient à
doubles bras parallèles. Le moteur était installé en
avant des roues arrière. Les freins étaient à disques
ventilés avec d'énormes étriers Brembo.
La 038 avait nécessité un gros investissement de la part
du constructeur car à peu près tous ses éléments étaient
nouveaux. Le moteur quatre cylindres n'avait rien de
commun avec celui de la 037. Il avait été dessiné à
partir de zéro, avec le numéro de type 233 ATR 18S. Le
bloc-cylindres et la culasse étaient coulés en alliage
léger. Les deux arbres à cames en tête entraînés par
courroie crantée commandaient quatre soupapes par
cylindre. Le système électronique Weber IAW prenait en
charge l'allumage et l'injection du carburant. Le
compresseur volumétrique Volumex conçu par l'ingénieur
Lampredi était associé à un turbocompresseur KKK type
K27, de manière à obtenir un couple vigoureux et une
réponse instantanée quel que soit le régime, un
compresseur relayant l'autre, grâce à la conception
spéciale du clapet de dérivation du Volumex.
La mise au point du dispositif exigea d'ailleurs bien
des efforts en 1984 au point que l'on songea un moment à
se contenter du seul turbocompresseur.
La complexité du système était évidente dès que l'on
soulevait le capot du moteur : les deux énormes
échangeurs de chaleur et le labyrinthe de tubulures
prenaient autant de place que le moteur proprement dit.
Celui-ci avait une cylindrée de 1 759 cm3 avec un
alésage de 88,5 mm et une course de 71,5 mm. Quand la S4
fut présentée, en décembre 1984, le constructeur
annonçait une puissance de 400 ch à 8 000 tr/mn, avec un
couple de 40 m/kg à 5 000 tr/mn. Un an plus tard, quand
le modèle fut homologué, ces chiffres étaient montés à
450 ch à 8 000 tr/mn et 45 m/kg à 5 000 tr/mn. De fait,
un gros travail de mise au point avait encore été
effectué dans l'intervalle. Le poids, notamment, passa
de 890 kg à 960 kg entre la présentation et
l'homologation.
La transmission à quatre roues motrices engagées en
permanence n'était pas moins complexe. La puissance du
moteur était transmise, par un embrayage bi-disque et
une boîte de vitesses Hewland à cinq rapports, à un
répartiteur de couple vers les roues avant et arrière
(dans des proportions allant de 25-75% à 40-60%). Le
différentiel central pouvait être bloqué, comme ceux des
trains avant et arrière. Le dispositif comportait
également un coupleur Ferguson.
Avec un empattement de 2,44 m et une longueur hors tout
de 4,09 m, la Delta S4 apparaissait non seulement comme
une des plus puissantes voitures jamais vues en rallye
mais aussi comme une des plus compactes. Son allure
agressive frappa jusqu'aux spécialistes. On imagine donc
la réaction que put produire la version Stradale en
septembre 1985.
Pour homologuer le modèle en Groupe B il fallut, en
effet, le construire à deux cents exemplaires. Ces
voitures avaient un équipement relativement luxueux et
une mécanique plus civilisée (les spécifications
pouvaient cependant varier d'un exemplaire à l'autre).
La puissance du moteur était ramenée à 250 ch à 6 750
tr/mn, avec un couple de 29 kg/m à 4 500 tr/mn. Le
turbocompresseur KKK était d'un modèle différent (type
K26) mais il restait associé au compresseur Volumex. La
cabine n'offrait toujours que deux places, mais avec un
tableau de bord normal, des garnitures en "alcantara" et
jusqu'à des vitres électriques et un système de
verrouillage centralisé.
Une pignonnerie ZF remplaçait celle de Hewland dans la
boîte de vitesses, avec des synchroniseurs Borg-Warner.
Le différentiel avant n'était plus autobloquant. Le
répartiteur de couple avait un rapport de 30-70%. La
direction était à servo pneumatique, mais avec une
colonne de direction ajustable. Les freins étaient
assistés. La suspension était plus confortable. Le poids
montait à 1 200 kg, mais avec ses 250 ch cette petite
machine se montrait capable d'accélérer de 0 à 100 km/h
en 6 s et de toucher 225 km/h en pointe.
La S4 fit un brillant début. Dès que le modèle fut
homologué, le 1er novembre 1985, il remportait une belle
victoire au rallye du RAC, avec l'équipage Toivonen/Wilson,
Alen et Kivimaki prenant la deuxième place. La Lancia
disposait alors de 480 ch à 8 400 tr/mn. Un mois plus
tard, Toivonen et Cresto prenaient la première place au
rallye de Monte-Carlo qui ouvrait la saison 1986. Alen
et Kivimaki prirent de leur côté la deuxième place du
rallye de Suède. On ne pouvait espérer un plus brillant
début. Malheureusement, le vent allait ensuite tourner
pour Lancia. Au Portugal, un grave accident fit
interrompre la course alors que le constructeur pouvait
espérer un bon résultat. Lancia préféra s'abstenir à î'East
African Safari et perdit ainsi une occasion de se
rattraper. Mais le pire arriva au Tour de Corse, un des
champs de bataille favoris de la marque.
Toivonen et Cresto trouvèrent la mort après avoir perdu
le contrôle de leur rapide, trop rapide, S4. Le
contructeur se retira en conséquence de l'épreuve. La
FISA décida de son côté que les voitures du Groupe B
étaient des machines trop puissantes et rapides pour
être utilisées sur des routes ordinaires. Lancia
enregistra encore quelques résultats positifs, dont une
victoire en Argentine, mais la S4 se trouvait condamnée.
Lancia se trouva contraint de mettre fin au
développement de la Delta S4.
Les améliorations prévues, moteur plus poussé, systèmes
d'alimentation perfectionnés, transmissions automatiques
ou semi-automatiques (dont une à double courroie système
Van Doorne), tout cela resta à peu près inconnu du grand
public. Heureusement, les quelque 140 S4 Stradale qui
n'avaient pas encore trouvé preneur furent vendues sans
trop de difficulté. La carrière de la S4 eut cependant
un post-scriptum inattendu, par le biais de Fiat.
Le Centre de recherche de Fiat étudiait des matériaux et
solutions techniques d'avant-garde et vit la Delta S4
comme un support idéal pour ces innovations. Ainsi
naquirent les Fiat ECV1 et ECV2 (ECV : Véhicule
expérimental en matériaux composites). Il s'agissait
pour chacune d'une Delta S4 avec une nouvelle structure
en fibre de carbone et Kevlar. Le poids de la voiture se
trouvait alors ramené à 910 kg (contre 960 kg).
Les ingénieurs de Fiat et d'Abarth remplacèrent aussi
les deux compresseurs combinés Volumex-turbo par un
nouveau système breveté baptisé Influx. La culasse à
seize soupapes était modifiée de façon à avoir des
orifices d'échappement de chaque côté. Cela permettait
d'installer deux turbocompresseurs, un de chaque côté,
débitant dans la même tubulure d'admission, mais selon
des paramètres différents, ce qui permettait
d'harmoniser leur action, en supprimant le retard à
l'accélération et en améliorant le couple à bas régime.
La disposition symétrique des soupapes avait aussi des
avantages du point de vue thermodynamique. Le résultat
était une puissance de 600 ch à 8 000 tr/mn avec un
couple de 55 m/kg à 5 000 tr/mn.
Un an après la ECV1, arriva la ECV2. C'était encore la
même voiture mais habillée d'une nouvelle carrosserie de
3,69 m de long (au lieu de 4,005 m). Ce n'était pas une
merveille d'élégance mais un modèle d'efficacité
aérodynamique, et une belle conclusion pour la décevante
carrière de la Delta S4.
Tiré de LANCIA, LE GRAND LIVRE écrit par WEERNINK WIM
OUDE
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