A la fin de la seconde guerre mondiale, les usines Alfa Roméo qui avaient produit durant cette période des moteurs d’avions sont presque entièrement détruites. Il reste peu de l’avant guerre et l’heure est à la reconstruction.
C’est dans ce contexte qu’Orazio Satta (entré chez Alfa Roméo en 1938 pour travailler sur les modèles destinés à la compétition) est nommé à la tête de la direction technique. Il va donner l’impulsion pour le développement d’un nouveau moteur, afin d’équiper les futures productions de la marque.
A cette époque, la concurrence (constructeurs français ou anglais) continue à produire des moteurs simples de faible rendement, en fonte, avec un seul arbre à came (latéral ou en tête) et des vilebrequins trois paliers.
Orazio Satta va prendre une direction opposée et très avant-gardiste. L’idée est en effet de commercialiser des moteurs modernes et performants, directement issus de la compétition.
C’est ainsi qu’un moteur tout aluminium à double arbre à cames en tête voit le jour. Il s’agit d’un 1900cc qui sera produit de 1950 à 1960 (modèles 1900 et 2000 de l’époque).
Mais le véritable coup de maître sera la sortie en 1954 d’un bloc plus léger de cylindrée plus faible pour équiper la Giulietta Sprint. Ce moteur, particulièrement avancé est un condensé des connaissances de l’époque tirées de la compétition.
Moteur tout aluminium, double arbre à cames en tête, chambres de combustion hémisphériques, soupapes en V à 80° (soupapes d’échappement avec cœur au sodium), vilebrequin cinq paliers et distribution par double chaîne.
Avec un alésage de 74 et une course de 75mm, il a une cylindrée de 1290cc et développe seulement 53cv à 5200trs, limité par un carburateur Solex simple corps. Mais ce moteur montre un fort potentiel, et est particulièrement à l’aise dans les montées en régime.
Ainsi, dès 1956, l’alimentation est revue avec deux carburateurs horizontaux double corps à ouverture simultanée Weber. Ils portent la puissance à 90cv pour 6500trs.
Dans le même temps, une version à 100cv équipe les Sprint Speciale et Zagato.
Certains modèles préparés par Conrero, avec retaillage des arbres à came et amélioration de la culasse monteront même à 115cv pour 7000trs.
En 1962 sur la Giulia TI sort une version de 1570cc. Le bloc lui-même subit, en plus de la cylindrée d’autres transformations.
Afin d’allonger les bielles, le bloc voit sa hauteur augmentée de 20mm. Des soupapes de plus gros diamètre sont installées. Enfin, un nouveau carter d’huile, à forte capacité (7l d’huile) et bardé d’ailettes pour le refroidissement est ajouté.
Coté alimentation, deux carburateurs double corps Solex sont installés, avec ouverture du second corps commandé par dépression. Le moteur sort ainsi 92cv à 6000trs.
En 1963, ce même 1570cc se verra équipé des deux doubles carburateurs Weber à ouverture simultanée. Grâce également à des pistons bombés pour augmenter le taux de compression, ce moteur affiche 112cv à 6500trs. Il équipera les Giulia TI Super et leur permettra d’atteindre les 185km/h.
La Giulia Super reprendra l’alimentation par carburateurs Weber dès 1965. Cependant, les arbres à cames sont modifiés pour gagner en couple au dépend de la puissance, 13,2mkg à 3000trs pour 98cv.
Ensuite, une optimisation de la boite à air, avec une admission plus travaillée permettra de remonter à 112cv.
Pour les Giulia GTV, les carburateurs embarquent des gicleurs plus gros et la puissance est alors de 109cv à 6000trs pour un couple de 14,5mkg à 3000trs.
Préparés par Conrero, ces moteurs atteignent 7500trs et 135cv à 6900trs.
Le double allumage apparaît sur les culasses pour la compétition et une petite série de GTA. Cumulé à la préparation moteur, il porte la puissance série de ces autos (115cv) jusque 170cv.
Arrivent les versions 1750, en 1968. Le moteur est à nouveau rehaussé et les bielles rallongées. La cylindrée monte à 1779cc. La course est de 88,5 pour un alésage de 80mm. Le gain en couple est important et la distribution est revue. Le moteur développe 118 puis 122cv.
En 1972, l’alésage augmente encore et passe à 84mm. La cylindrée passe à 1962, sur les « 2000 ». La puissance atteint 130cv. Les versions préparées et double allumage dépassent alors les 230cv en compétition, sur les GTAm.
A la sortie de la toute nouvelle Alfetta, les moteurs proposés sont repris dans le panel existant : 1600, 1800 et 2000.
Seul le carter d’huile est modifié (cuvette plus compacte et capacité réduite). Le ventilateur de pompe à eau est supprimé au profit d’un motoventilateur sur le radiateur. (Le 2000 subsistera avec son carter grande capacité et le ventilateur sur pompe à eau sur les Spiders jusqu’à la fin des années 80).
Les hauts moteurs sont dans le même temps adaptés au carburant sans plomb pour la commercialisation aux Etats-Unis.
Au début des années 80, quelques évolutions apparaissent. L’allumage est transistorisé et une version à injection Spica équipera même les Alfetta Quadrifoglio Oro.
Destinée au marché Italien, une version expérimentale du 2l est développée. Une injection modulaire est associée au moteur (brevet Alfa racheté depuis par Mercedes). Ce système permettait au moteur de fonctionner sur deux cylindres lorsque peu de puissance était demandée. Cette Alfetta dénommée CEM fut vendue à quelques exemplaires seulement, pour des taxis notamment.
La Giulietta et la 75 succèdent ensuite à l’Alfetta, et le moteur Satta déjà vieux de quelques décennies va continuer de connaître de belles évolutions.
Une version peu répandue de 1357cc (alésage de 80mm du 1750 et course courte) supercarré sera produit sur quelques Giulietta. Mais la gamme reste sur les trois cylindrées 1600, 1800 et 2000. A noter pour la Giulietta également une turbo compressée Autodelta.
Progressivement, les moteurs passent à l’injection électronique Bosch, perdent en caractère mais gagnent en souplesse de fonctionnement, avec une consommation en baisse. Au milieu de la carrière de la 75, toutes les motorisations sont ainsi injectées. Un calage de la distribution coté admission apparaît, ainsi que la sortie de versions catalysées.
Enfin, deux évolutions ultimes verront le jour sur la 75 : Le 1800 reçoit un turbocompresseur avec intercooler le portant à 155 puis 165cv, avec 23mkg de couple. Le 2l reçoit quant à lui une culasse à double allumage, amenant la puissance à 148cv.
1,8L Turbo2l TwinSparkLe 2l sera même monté brièvement en position transversale sur les 164 et les premières 155. Toujours en double allumage.
Après 40ans de carrière, le robuste double arbre tire sa révérence au début des années 90.
Il sera remplacé par un moteur plus récent, en bloc fonte parois minces, alésé aux cotes Fiat. Le double allumage perdurera, et cela donnera naissance à la nouvelle gamme de motorisation 1.6, 1.8, 2l TS des 155, 156, GTV etc...Le double arbre tout aluminium gardera une bonne réputation : équilibré, esthétique, fiable, performant et au bruit incomparable et aura accompagné des générations de passionnées d’Alfas. Les moteurs dit « Satta », ou « Bialbero » avant-gardistes dans les années 50 avaient tant potentiel et d’avance pour leur époque, qu’il fut possible de les faire sans cesse évoluer pendant des décennies. Ils ont connus les carburateurs, l’allumage à rupteur puis transistorisé, l’injection, le calage variable et enfin le turbocompresseur et la catalyse.
Ils sont un véritable trait d’union dans l’histoire de la marque, entre l’après guerre de leurs débuts et l’époque actuelle.
Sources :
Histomobile "Evolution d'un moteur"
Alfaromeopress.com